Lettre morte à Mme la rapporteuse Minintello

Voici un long commentaire que j’ai posté à 2 reprises sur le blog de la rapporteuse de la loi « Création et Internet », Muriel Marland-Militello sans qu’il ne soit publié ni fait de réponse : (détail croustillant sur la fin… :) )

Mme MMM.

Avec tout le respect que m’inspire votre mission de rapporteur, je me dois quand même de vous faire part de mes sentiments au regard du projet de loi « Création et Internet ».

Votre rapport considère les hommes et femmes uniquement comme des consommateurs de produits culturels. Ceci conditionne ampute le champs de vision de votre raisonnement. Internet permet un brassage culturel bien plus grand que ce que l’ « industrie culturelle » a bien voulu nous donner jusqu’ici. Sur Internet, nulle restriction de catalogue que vous soyez abonné Orange ou Bouygues, nulle chaine unique qui repasse en boucle et en boucle les mêmes chansons sur tous les canaux disponibles, nulle obligation de subir les tribulations des artistes sans texte de la star’ac ou les carrièristes pipo(le) de Taratata. Sur Internet, chacun est à égalité, chacun peut s’exprimer, se produire, se diffuser librement. Dans quelle partie de votre étude sur la « création et internet » parlez vous et chiffrez vous ce phénomène?

Lorsque l’on enseigne l’art à nos enfants à l’école? Est-ce pour en faire des « consommateurs de produits culturels » ou pour leur donner envie de créer? La Création est source de bonheur et de valeur. N’est ce pas ce qui caractérise la French Touch tant appréciée des français à l’étranger?

Internet sans autre règle que que ce que permet la technique, tel qu’il est aujourd’hui, a apporté la diversité culturelle à portée de clic, chez soi. Je ne crois pas avoir lu que votre projet de loi fasse mieux.

Vous posez comme base votre raisonnement que le business est le moteur de la création. Si les artistes se produisent pour manger, je ne pense pas que vous trouviez un artiste qui vous dise que son inspiration et les divagations providentielles de son esprit aient pour origine l’espoir du business qu’il retirera (peut-être) de ses créations. L’argent autour de la création permet la concrétisation des oeuvres de la pensée (édition des livres, copie des CDs, accueil du public dans les salles, etc…) mais n’est pas à l’origine de l’oeuvre de l’esprit (= création). Internet et plus globalement l’informatique réduit le coût de la concrétisation des oeuvres. La copie d’une oeuvre ne coute presque rien, sa diffusion à grande échelle non plus depuis l’ADSL. Ce qu’on l’on faisait avec des milliers d’€ de peinture et de toiles, on le fait avec un simple ordinateur et des logiciels libres aujourd’hui. Demain, la sculpture et la fabrication de ses objets sera aussi banal qu’imprimer son dessin sur son imprimante. Où est cette réflexion dans votre rapport « Création et Internet » ?

Le web et le lien hypertexte sont la même chose. Internet et le peer to peer sont la même chose. De fait, si vous interdisez les liens vers le contenu des autres (comme vous le faites sur le site jaimelesartistes.fr) ou centralisez les accès au contenu, nous ne parlons plus d’Internet. Ce n’est plus le même réseau horizontal, égalitaire. Pour garantir le contrôle de la copie, du visionnage, de la distribution des oeuvres numériques tels que dans le monde « matériel » (à l’inverse de l’ « immatérialité » numérique) vous devez créer un réseau avec d’autres règles techniques (DRM Digital Rights Management : contôle des droits de l’usager). Appelez cela « Minitel Hautdébit » mais ce n’est plus « Internet ».

Les mesures de détection des « échanges illicites » (je vais essayer ici de vous présumer innocente dans les intérêts sous-jacents évidents de ces mesures sur la surveillance des citoyens et l’auto-censure qui s’ensuit naturellement) sont inapplicables au regard des possibilités techniques actuelles. Ici-même je me permet de poster ce commentaire sous une IP dont la trace ne vous mènerait que très très très difficilement à mon identité (multiples relais chiffrés: TOR). Ce système de contournement s’installera bientôt en 1 clic sur n’importe quel ordinateur. Lancer une procédure contre ces IP ne sera que perte de temps et d’argent.

A imaginer que l’HADOPI ne se soucie guère durant ses 25 sec d’étude de la responsabilité réelle de l’abonné détenteur de l’IP. Est à dire que nous devrions fliquer nos enfants, nos collègues de bureau, nos amis et proches dès qu’ils se connectent sur une connection qui nous appartient? Comment réguler l’accès wifi, cable, fibre, 3G, blutooth qui servent aussi bien à échanger aussi bien localement qu’à distance…. par internet. Il suffit qu’une personne soit infectée par un virus ou négligence face aux risques encourus pour que l’abonné soit mis en cause. Pour une PME c’est critique pour sa survie. Pour un particulier, ca va le devenir rapidement.

Internet demain, c’est le moyen de communication universel. Multilangues, multiprotocoles, multimatériel. Informations, travail à distance, correspondance contractuelle, téléphone, musique et vidéos, banque, formalités administratives et citoyennes, courses. C’est aujourd’hui pour quelques-uns, c’est demain pour tout le monde. Couper Internet, c’est dé-socialiser.

J’aurai aimé lire dans votre rapport sur la « Création et Internet » comment vous voyez la relation des citoyens français avec Internet dans 10 ans. Quel rapport les français vont-ils entretenir avec Internet et de là l’économie numérique dans un monde globalisé? Est ce que cette loi a un sens si elle n’est appliquée qu’en France? J’ai bien peur qu’on ne coupe l’herbe sous le pied aux générations futures en les scélrosant numériquement.

Enfin pour terminer sur une note d’humour qui ne fera pas rire tout le monde. Sachez vous êtes vous-même une « pirate » puisque le thème graphique de votre blog, oeuvre de l’esprit de créateurs, que vous avez copié depuis le site des auteurs http://www.ndesign-studio.com/resources/wp-themes/itheme/ ou ailleurs sans vérifier la licence de l’oeuvre, n’est pas exempt de droits d’auteur même si la copie et sa modification sont autorisées gratuitement. La licence de cette oeuvre précise que vous DEVEZ citez les auteurs dans le bas de page de votre blog. Contrevenant, premier avertissement ! (Considérez ceci comme le premier email de l’HADOPI)

Ce triste exemple a pour mérite de montrer :
– que tout se copie, s’échange, se partage sur Internet. Vous utilisez un logiciel libre comme moteur de votre blog, fruit du partage de la connaissance qui vous permet aujourd’hui de vous exprimer sans être tributaire de la volonté des majors du logiciel informatique.
– que la jungle des licences est insolvable pour le commun. Je ne vous parle même pas d’essayer de distribuer un support incorporant des éléments de plusieurs licences…
– que les citoyens et les auteurs ont un pouvoir démesurément minuscule face à la machine à sanctionner automatique que vous instaurez pour l’industrie.

MAJ : Son site web a été mis à jour en douce depuis mon commentaire. Un lien vers une page spéciale des mentions légales remplace le bas de page d’hier.
Avant : mmm-ancien

Après : mmm-nouveau

5 réactions sur “ Lettre morte à Mme la rapporteuse Minintello ”

  1. Ddmdllt

    Petite note au sujet du « piratage » de thème : à priori seul l’auteur ou ayant droit peut s’en plaindre. Un auteur a tout à fait le droit de dire publiquement « je place mon œuvre sous licence copyleft NomDeLicence » et de donner à qui il veut des autorisations de réutiliser son œuvre autrement.

    Ces autorisations (forme de double licence) n’ont aucune obligation d’être évoqués publiquement : l’auteur peut donner une autorisation écrite en privé à une autre personne et les tiers n’ont à priori rien à y redire sur le point de vue de la légalité.

    Pour l’affaire précise de MMM, le mieux est soit de dire « on ne sait pas », soit d’avoir une confirmation de l’auteur comme quoi il n’est pas d’accord (auquel cas autant citer cette source). Précisons que la page http://www.ndesign-studio.com/resources/wp-themes/itheme/ indique toutefois : « If you really don’t want to give credit linkback to N.Design Studio, contact me for a licensed copy. »

    Je ne dis pas que ce que fait MMM est légal ou non, je dis simplement qu’il y a peut être lieu de l’interroger à ce sujet, et de lui demander pourquoi elle ne crédite pas l’auteur original par une mention visible et par un lien. Car de toute façon même si elle en avait le droit, il y a lieu de s’interroger.

    Sinon sur le fond, pour observer un peu les débats de l’assemblée retransmis sur Internet (http://www.assemblee-nationale.fr/13/seance/seancedirect.asp), je ne peux que désapprouver grandement l’attitude de MMM (et aussi celle de Mme Albanel et de M Riester…)

  2. karpov

    salut tuxicoman !

    Soirée sympathique hier soir à l’assemblée nationale :)
    Concernant notre petite discussion sur l’acoustique d’hier…je n’est pas trouvé ton mail….

    … ce message peut être effacé après lecture par son destinataire…. :)

  3. Marzikill

    « L’ensemble de ce site est la propriété intellectuelle de Muriel Marland Mititello. Aucune reproduction, même partielle, n’est autorisée sans son accord préalable »…

    Tu as son accord pour ces deux malheureux screenshot ? En prison, pirate !

    :P

    Amicalement,
    Marzikill.

  4. Tuxicoman

    @ddmdllt : Je lui ai signalé par commentaire ce problème il y a 10 jours et ce n’est que maintenant que je rend ma lettre publique. Sa réponse consiste en la création d’une nouvelle page « mentions legales » qui justement mentionne l’auteur du theme. Je doute donc fortement qu’elle ait une licence personnelle.

    De plus il y a un précédent : http://www.strapontins.org/2009/03/13/la-depute-muriel-marland-militello-est-une-pirate/

    Maintenant quel recours ont les auteurs puisque le site est désormais en règle?

    Si j’ai bien compris l’histoire, je télécharge et écoute des musiques sans respecter les droits d’auteur, avant de m’inculper les sociéts représentant les ayants droits devraient vérifier auprès des auteurs si je n’ai pas d’accord direct avec eux et dans le cas contraire il me suffirait de rendre les MP3 pour être quitte?

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