Propriétaire de son logement

Devenir propriétaire de son logement est une aspiration fondatrice de la société française.

Les Pouvoirs Publics l’encouragent pour pacifier les relations sociales. Les salariés sont beaucoup moins vindicatifs dans leurs revendications s’ils risquent de mettre en péril leur principal actif en protestant trop violemment contre l’ordre économique établi. Un remède « anti-chienlit » qu’avaient bien identifié le Général de Gaulle ou Margaret Thatcher.

L’ambition première d’un jeune ménage est également de pouvoir acquérir son « chez soi ». Quoi de plus naturel que de ne pas vouloir « jeter l’argent du loyer par la fenêtre » en lui substituant les échéances d’un prêt bancaire ? Ces derniers, d’une durée de plus en plus longue, s’achèvent souvent concomitamment au départ à la retraite des emprunteurs. L’économie réalisée par le fait de ne plus avoir à payer de loyers constituerait le meilleur moyen de se constituer un supplément de pouvoir d’achat au moment où les revenus d’un ménage baissent de 40 à 50 %.

Notre système fiscal et social encourage depuis longtemps l’accession à la propriété : prêt à taux zéro, exonération de l’impôt sur la plus-value, décote dans le calcul de l’impôt sur la fortune, non-imposition du revenu fictif perçu par le propriétaire occupant, déduction fiscale des intérêts (aujourd’hui supprimée), … Il est à noter que, nonobstant le prêt à taux zéro, ces mesures favorisent plutôt les ménages aisés et sont loin de constituer un système de redistribution sociale.

La baisse tendancielle des taux d’intérêt depuis trente ans et la modernisation des marchés financiers ont également contribué au succès de l’acquisition de la résidence principale. Certains emprunteurs payent aujourd’hui moins en échéances de prêt qu’en loyers.

Les chiffres confirment que l’accession à la propriété est devenue l’un des moteurs de notre économie. Le taux de propriétaires parmi la population française a fortement progressé. Il est passé de 45,5 % en 1973 à 58 % en 2013.

Les économistes ont longtemps été dubitatifs sur les bienfaits de l’acquisition de la résidence principale.

Ils lui opposent deux types de critiques.

La première est d’ordre financière. Devenir propriétaire de sa résidence principale n’est pas forcément le meilleur choix. Cela dépend de plusieurs facteurs : le taux de rendement d’un appartement versus celui d’un actif financier, le taux d’intérêt, les anticipations d’inflation, les perspectives de plus-value, l’évolution de la fiscalité, la durée de détention, … Pour fondée que soit cette critique, elle n’est pas d’un grand secours pour le jeune ménage puisque les facteurs financiers sur lesquels repose le choix ne sont généralement connus qu’a posteriori.  L’acquisition d’un logement reste donc un pari sur l’avenir. Il est certain toutefois aujourd’hui que le bas niveau des taux d’intérêt réduit les risques de ce pari d’une part en allégeant les échéances, d’autre part en protégeant l’emprunteur en cas de reprise de l’inflation. C’est comme cela que nos grands-pères se sont enrichis durant la période inflationniste précédant le premier choc pétrolier.

La deuxième critique est plus structurelle. Les économistes considèrent que l’acquisition de la résidence principale serait de nature à réduire la mobilité des salariés. Selon eux, un salarié se retrouvant au chômage et propriétaire de son logement serait plus réticent à changer de région pour trouver un emploi. Le délai de vente d’un logement est long et le salarié au chômage n’a souvent pas les moyens de supporter une double charge. Il peut également craindre une moins-value importante en cas de revente. Cet argument n’est pas que théorique dans les régions rurales où des usines ferment, ainsi que peuvent en attester les salariés de GM&S à La Souterraine. Plus il y a de salariés propriétaires de leur logement, moins l’allocation des ressources sur le marché du travail serait efficiente. Finalement, l’accession à la propriété constituerait un facteur de chômage structurel.

Les statistiques semblent donner raison aux économistes.  Les pays où le taux de la population propriétaire de son logement est le plus élevé sont également ceux qui connaissent le chômage le plus important. C’est le cas pour l’Espagne et l’Italie où près de 80 % de la population est propriétaire de son logement et 11 % des salariés sont au chômage. Au contraire, en Allemagne, le chômage est à son minimum historique alors que seulement 44 % des ménages sont propriétaires de leur logement.

Il convient toutefois de se méfier des statistiques et ne pas confondre corrélation avec causalité. Selon une étude de l’INSEE, les propriétaires sont statistiquement moins souvent au chômage que les locataires. Ce sont en effet souvent ceux qui disposent des meilleurs revenus et des emplois les mieux qualifiés. Ce sont également ceux qui sont les plus mobiles sur le marché du travail.

L’argument des économistes serait-il battu en brèche ? Il pourrait y avoir un lien de causalité moins direct entre acquisition de la résidence principale et taux de chômage. Selon l’INSEE, « la moindre mobilité des propriétaires réduirait la fluidité du parc de logements dans les zones où ils sont plus nombreux, affectant l’ensemble des chômeurs qui chercheraient à s’y établir pour un nouvel emploi ». Le taux de propriétaire aurait ainsi un effet d’éviction dans les zones urbaines les plus tendues. Il est certain qu’il est difficile pour un jeune trouvant un travail mal rémunéré à Paris de se loger à moins d’une heure de transport de son lieu de travail. Mais il n’est pas évident que le lien de causalité mis en évidence par l’INSEE explique pleinement la corrélation.

En tout état de cause, le « totem » qu’est devenu l’accession à la propriété devrait être relativisé tant par les Pouvoirs Publics lorsqu’ils distribuent les aides fiscales et sociales que par les ménages qui doivent bien faire leur compte avant de réaliser l’achat de leur vie.

Source : http://www.maubourg-patrimoine.fr/

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