L’industrie nucléaire française, en particulier EDF et Areva, communique massivement sur le thème “96% des déchets nucléaires français sont recyclés”. Pour le réseau “Sortir du nucléaire”, il s’agit clairement d’une campagne de désinformation qu’il convient de rectifier. Explications de Stéphane Lhomme, Chargé des contacts presse et relations extérieures :
Ne pas confondre recyclage et retraitement
Areva et EDF jouent sur les mots pour abuser l’opinion publique. Il convient de bien distinguer recyclage et retraitement :
– Le recyclage consiste à réutiliser des déchets, comme par exemple le verre des bouteilles usagées qui est utilisé pour faire de nouvelles bouteilles. Les déchets nucléaires, eux, ne sont quasiment pas recyclés (voir ci-dessous)
– Le retraitement des déchets radioactifs consiste simplement à séparer les différents produits présents dans ces déchets : uranium, plutonium, et déchets ultimes. Le retraitement ne réduit donc absolument la quantité de radioactivité, et le retraitement n’a rien à voir avec un quelconque recyclage.
Ne pas confondre « recyclable » et « recyclé »
Areva et EDF jouent à nouveau sur les mots : théoriquement, 96% des déchets nucléaires sont recyclables, mais dans les faits… ils ne sont quasiment pas recyclés, et ne le seront jamais (voir plus bas). Ce sont donc bien des déchets nucléaires mais ils sont présentés comme une « précieuse » réserve stratégique de combustible nucléaire. A ce compte, on pourrait tout aussi bien célébrer l’amiante ou les dioxines en prétendant que ces matières « précieuses » seront un jour réutilisées…
95% de la radioactivité sont contenus… dans les déchets non recyclables
Environ 95% de la radioactivité des déchets nucléaires est précisément contenue dans les 4% de déchets non « recyclables », les déchets ultimes. Il y a donc tromperie de la part d’Areva et EDF qui, en annonçant que « 96% des déchets nucléaires sont recyclables », laissent habilement croire (outre la tromperie recyclable/recyclé) que la quasi-totalité du problème des déchets radioactifs est réglée, ce qui est parfaitement faux.
Déchets nucléaire « recyclables »… mais pas recyclés !
Les 96% de déchets qui sont théoriquement « recyclables » (environ 1% de plutonium et 95% d’uranium) ne sont en réalité pratiquement pas recyclés, en particulier pour des raisons financières (cette filière coûte beaucoup plus cher que d’utiliser l’uranium issu des mines) mais aussi techniques :
– seule une petite partie du plutonium est réutilisée, une seule fois, dans un type de combustible (appelé MOX, un mélange d’uranium et de plutonium) qui pose d’ailleurs, après utilisation, des problèmes encore plus grands que le combustible « ordinaire » (uranium seul).
– quant à l’uranium, qui représente en quantité donc 95% des déchets nucléaires, il est théoriquement recyclable mais n’est quasiment PAS recyclé. En effet, cet uranium (dit « uranium de retraitement ») a une composition différente de l’uranium issu des mines : Areva, qui enrichit l’uranium dans son usine Eurodif (sur le fameux site du Tricastin, célèbre pour ses fuites radioactives), ne sait pas enrichir l’uranium « de retraitement ». Ce dernier est donc envoyé en Sibérie sous prétexte de le faire enrichir… mais en réalité pour s’en débarrasser puisqu’il reste en majeure partie sur place.
Un peu de combustible « recyclé »… mais inutilisable
Les russes renvoient néanmoins en France un peu d’uranium enrichi: EDF tente de l’utiliser dans deux réacteurs de la centrale nucléaire de Cruas (Ardèche). Un véritable black-out est organisé autour de cette expérience mais, selon nos informations, l’expérience serait fort peu concluante.
Il se pourrait même que l’uranium renvoyé par les russes ne soit pas du tout celui qui provient des réacteurs français, les deux parties fermant les yeux sur ce tour de passe-passe car leurs objectifs principaux sont atteints : les Russes gagnent de l’argent, et les Français laissent en Sibérie de grandes quantités d’uranium de retraitement dont ils ne savent que faire…
Un déchet nucléaire peut en cacher un autre…
Attention, la polémique actuelle ne concerne « que » les déchets nucléaires sortant des cœurs des réacteurs nucléaires. Mais l’industrie nucléaire produit continuellement d’immenses quantités d’autres déchets et résidus plus ou moins radioactifs qui s’accumulent dangereusement.
De même, le démantèlement à venir de 70 réacteurs (les 58 actuellement en service et la douzaine déjà arrêtée) va produire des quantité insensées de déchets radioactifs… et coûter des centaines de milliards d’euros aux citoyens et contribuables.
Des stockages à ciel ouvert
Comme le montre la polémique actuelle, les déchets nucléaires français abandonnés en Russie sont stockés à l’air libre, à la merci d’un accident ou d’un attentat. Il est utile de savoir que cette situation n’est hélas pas exceptionnelle : au Niger, où Areva extrait l’uranium « français » (ce qui montre bien que le nucléaire n’apporte en réalité aucune indépendance énergétique), de véritables montagnes de « stériles » et autres résidus d’extraction sont abandonnées à ciel ouvert. C’est injustifiable même si la radioactivité de ces matières est modérée : le vent dissémine des particules sur des centaines de kilomètres…
Une autre fausse « réserve stratégique », du côté de Limoges
Nous avons vu que l’uranium de retraitement est présenté comme une « réserve stratégique » alors qu’il n’est en réalité pas recyclé et ne le sera certainement jamais. Ce subterfuge est aussi de mise concernant l’uranium issu des mines : après enrichissement au Tricastin, une petite partie est utilisée dans le combustible nucléaire… et il reste des dizaines de milliers de tonnes d’uranium dit « appauvri ».
Cet uranium lui aussi est théoriquement réutilisable, mais dans les faits il ne l’est pas plus que l’uranium « de retraitement ». Du coup, plus de 160 000 tonnes de cet uranium sont stockées à Bessines, près de Limoges, dans de simples hangars. Toutes les semaines, des trains viennent augmenter la quantité de ces véritables déchets nucléaires…
L’Iran enrichit de l’uranium… en France
Comme nous avons déjà souvent eu l’occasion de le préciser (cf par exemple : http://www.sortirdunucleaire.org/actualites/communiques/affiche.php?aff=537), l’Iran est depuis 1979 actionnaire à hauteur de 10% de l’actuelle usine française d’enrichissement de l’uranium, dite Eurodif ou Georges Besse, située sur le site du Tricastin. Cette usine consacre le « génie » de l’industrie nucléaire française : elle consomme énormément d’électricité (3 des 4 réacteurs de la centrale nucléaire du Tricastin lui sont consacrés), elle est incapable d’enrichir l’uranium de retraitement, etc. Qui plus est, il est vraisemblable que, pendant une durée indéterminée, 10% de la production de cette usine ont été livrés à l’Iran. Les protestations que la France oppose actuellement au programme nucléaire iranien relève donc du plus grand cynisme.
Une nouvelle usine « française » d’enrichissement… avec une technologie étrangère
L’usine Eurodif (ou Georges Besse) étant en fin de vie, Areva construit au Tricastin une nouvelle usine, Georges Besse 2, dont le chantier touche à sa fin. Ce qui est à nouveau croustillant à savoir, c’est que la France, supposée être à la pointe du nucléaire, ne possède pas la technologie d’enrichissement de l’uranium avec des centrifugeuses, contrairement à divers pays dont… l’Iran.
Du coup, Areva est obligée de payer (fort cher) cette technologie à son concurrent Urenco, et un processus industriel, dit de « boite noire », permet à Areva d’utiliser cette technologie… sans pouvoir y accéder. Seuls les murs de l’usine Georges Besse 2 sont donc français, la technologie est étrangère et la France nucléaire est une fois de plus dépendante…
Source : Communiqué de presse Sortir du nucléaire
A voir aussi le film « Déchets, le cauchemar du nucléaire » disponible en DVD et téléchargeable grace à Google
On peut y voir les futs éventrés au fond de la Manche de l’époque où l’on jetait les déchets directement depuis les bateaux ainsi que les dépots de déchets nucléaires à l’air libre en Sibérie renfermant nos soit-disant 90 % d’uranium recyclable…