Test de l’enceinte Adam A8H

J’ai récemment changé d’ « enceintes de bureau » pour des Adam A8H (3000€ la paire) et j’en profite pour partager mon expérience.

Je précise que ceci est un article non sponsorisé, j’ai acheté le matériel avec mon argent perso et je l’utilise au jour le jour. Je n’ai aucune relation professionnelle ou personnelle avec la marque ou un vendeur.
Le biais de l’acheteur cherchant à justifier son achat est cependant toujours possible…

Auparavant j’avais une paire d’Adam A7X + un caisson de basse Adam Sub8 + un égaliseur paramétrique Thomann mini DSP 4×4

Les changements attendus :

• 3 voies (un haut parleur séparé pour basse, medium, aigus)
• un plus gros boomer pour les basses, pouvoir se passer du caisson.
• l’égaliseur intégré dans l’enceinte. Possibilité d’intégrer un profil Sonarworks complet dans le DSP de l’enceinte.

Les médiums

Les 3 voies sont censées avoir une meilleur précision dans les médiums non parce que la fréquence de raccord est déplacée (toujours à 3kHz pour le passage au haut parleur aigu), mais parce que la partie médium (400Hz-3kHz) est gérée par un haut parleur plus petit et donc plus réactif. Effectivement, les mediums, point faible de la A7X sont ici très bien.

Par contre je trouve que les A7X et A7V ont moins de problème de raccord. Car il faut savoir que chaque haut parleur a une directivité différente, c’est à dire que leur écoute hors axe n’observe pas la même décroissance + des interférences existent. Du coup, en écoute de proximité (90cm) c’est perturbant je trouve les 2 voies ou encore mieux les coaxiales moins fatigantes.

Sweet spot

En conséquence le « sweet spot » c’est à dire l’endroit où on considère que le son est équilibré est très petit. Même pour la stéréophonie, ça se joue à 2 cm dans mon positionnement en champ proche… Donc je ne conseille pas ces enceintes pour de la large audience comme dans un salon.

C’est aussi important d’avoir des support d’enceinte réglables pour bien les placer à hauteur d’oreille. Là encore, quelques centimètres jouent beaucoup.

Blague à part: j’avais essayé avec les A7X d’utiliser des bass traps (pas super rigides) comme support d’enceinte. Ca ne marche pas, ca absorbe une partie de la réponse des enceintes :D

Les basses

Un autre soucis de l’A7X était sa réponse dans les graves, boostées pour faire punchy mais un peu trop envahissante à la longue. A l’inverse l’extension dans l’infra grave n’était pas aussi puissante que je voulais, d’où l’ajout du subwoofer. Avec un égaliseur paramétrique j’avais la main sur le raccord entre le caisson de basse et les A7X et je pouvais tamiser les basses de la A7X. Mais la réponse en phase était très difficile à caler. Il faut savoir que les filtres d’égalisation changent la phase… Plus la distance entre la la position du sub et les enceintes… Je n’ai jamais trouvé de réglage parfait.

L’idée de passer sur une enceinte plus grosse était de les remettre dans en phase dans le haut parleur. Et si le boomer est dédié à cette partie, peut être aussi avoir des basses plus sèches (moins de sonorité liée à la résonance du port de bass reflex). C’est effectivement beaucoup mieux et maitrisé. Je pense qu’on pourrait avoir des basses encore plus précises avec un boomer encore plus gros mais par rapport au A7X le gain est substantiel !

L’égalisation

Quoi que vous fassiez en terme de placement dans votre pièce, vous allez avoir l’effet de salle qui va se rajouter à la réponse des enceintes. C’est flagrant notamment dans les basses, où chez moi la hauteur de ~2.5m crée une résonance à 130Hz à la hauteur de mon point d’écoute. Et vous n’y pouvez rien si vous n’avez pas d’absorbant adéquat… A ce niveau d’enceinte, avoir une salle pourrie est la vraie limite. Je suis convaincu que ces enceintes sonnent très bien dans une salle traitée acoustiquement.

Pour limiter les dégâts dans les basses (résonance trop prononcée), la solution de repli est de supprimer la fréquence de la musique tout simplement. C’est là qu’on voit que la solution par égalisation est moins bien que le traitement acoustique, puisque l’égalisation va amputer la musique à la source quand le traitement acoustique va juste réduire sa réverbération…

J’avais déjà cette approche avec le mini DSP et donc pas de doute sur le résultat.

La plus value est qu’ici tout est intégré. Chaque enceinte possède un EQ paramétrique à 6 bandes (passe haut, passe bas, notch, shelf haut, shelf bas) donc jusque là, j’avais déjà. Mais l’intégration de SonarWorks permet une calibration bien plus précisé et simple.

Sonarworks

Le logiciel Sonarworks, permet de caractériser la réponse fréquentielle du système acoustique (salle+enceinte) dans un rayon de 30cm autour du sweet spot par une procédure très simple. Le logiciel est très bien fait pour ça. Il vous fait prendre 30 mesures de « sweep », détermine automatiquement le positionnement des mesures. Vous avez juste besoin d’un micro type Behringer ECM 8000 et une carte son avec alimentation 48V. Ensuite tout se fait micro à la main en 30minutes.

La réponse mesurée donne ça chez moi :

(l’enceinte droite est proche d’un bass trap, ce qui n’est pas le case de l’enceinte gauche, est ce qui explique la différence à 50Hz?)

Ensuite Sonarworks va soit disant créer une filtre EQ pour chaque enceinte à fin de corriger la réponse fréquentielle (cible: réponse plate par défaut). Enfin on peut exporter le profil Sonarworks vers les enceintes au travers du logiciel Adam. (PS: Adam appartient au group Focusrite depuis 2018)

Comme Sonarworks ne permet pas à faire de mesure de vérification précise sur un point de mesure, j’ai utilisé RoomEqWizard pour voir le résultat fréquentiel après correction :

(je précise le lissage à 1/12e d’octave, sinon je peux vous la sortir plate « lissée » au 1/3 d’octave :)

A l’écoute, je trouve l’égalisation bien faite. Ça sonne plus neutre et les gros griefs que j’avais à l’écoute ont disparu. Le haut parleur aigu est réglé par Adam un peu trop fort par défaut, je ne sais pourquoi (ou est-ce un besoin de rodage), mais l’égalisation a corrigé le soucis. Il est aussi important que les basses ne soient pas trop présentes pour ne pas « masquer » d’un point de vue psychoacoustique les mediums à l’écoute.

Si on regarde le résultat temporel, on voit cependant toujours la résonance à 135Hz:

Donc je vais devoir affiner l’EQ manuellement :-)

Mais je pense toujours que le traitement acoustique devrait être la solution (et aussi pour réduire la réverbération générale chez moi) et la correction EQ limitée à des retouches de quelques décibels pour que ça sonne bien.

En effet comme dit plus haut, l’EQ de Sonarworks ne permet pas de réduire la réverbération de la pièce. Juste augmenter ou diminuer l’intensité au départ des enceintes.

Est ce qu’il faut acheter une licence Sonarworks? Je ne sais pas, peut être il y a moyen de gruger avec la version gratuite plusieurs fois de suite.

J’ai essayé Sonarworks sur pour la correction de casque sur mon casque Meze 99 Neo (pas de mesure ici, ca se base sur des courbes dans une banque de données) et je n’ai pas été convaincu du tout.

Latence

Je ne note pas de latence perceptible en rajoutant l’égalisation dans l’enceinte. Je n’en avais pas non plus dans mon miniDSP. C’est un avantage par rapport à l’usage d’un EQ sur ordi qui bug parfois sous la charge CPU en plus d’ajouter de la latence.

On n’y pense pas mais par exemple sur une Devialet, la latence du mode sans fil est de 60ms mini, ce qui pose soucis si vous voulez regarder une vidéo sans possibilité de retarder l’image.

Tout numérique?

On pourrait se poser la question de la nécessité d’avoir une carte son sur l’ordi et des cables XLR balancés, si c’est pour finalement repasser par un DSP numérique dans l’enceinte… La réponse d’ADAM est que leur étude de marché n’a pas montré une demande pour une entrée numérique sur l’enceinte (spdif, AES) justifiant le coût. En même temps pour faire la mesure d’EQ il faut bien une carte son avec des entrées, pas faux. Je ne sais pas si il y a des différences de qualités entre les cartes son faute d’avoir pu tester. (j’utilise une Focusrite 2nd gen)

Bruit de souffle

Le bruit de souffle, particulière audible sur le tweeter, est proportionnel au gain de l’enceinte. Il suffit de le baisser pour correspondre au niveau sonore voulu (plutôt que de mettre le volume à 4/10 maximum sur la carte son pour ne pas s’exploser les oreilles). J’ai donc régler le niveau sur les enceintes à -15dB et je n’entends pas de souffle à distance d’écoute (90cm) tout en pouvant faire jouer les enceintes fort pour ma position.

Pop au démarrage et extinction

Un des soucis sur la A7X est son intolérance à l’extinction du signal. Il faut toujours éteindre les enceintes avant la source (donc la carte son ou l’ordi). Ça a été grandement amélioré sur cette série. Quand on allume l’enceinte, il y a quelques secondes de mise en route puis une montée progressive en volume. La coupure brusque de la carte son ne provoque aucun son dans l’enceinte. L’allumage de la carte son après les enceintes, un léger pop.

Je n’ai pas eu le temps de remarquer si l’enceinte était sujette aux parasites électriques/électromagnétiques. Jusque ici pas de soucis.

Compatibilité Linux

Le logiciel Adam est disponible en version Windows & Mac uniquement. La communication avec les enceintes se fait par TCP/IP sur câble réseau. Donc à priori ça devrait marcher dans un Windows virtualisé.

Je n’ai pas trouvé la bonne config pour faire tourner Sonarworks dans une machine virtuelle, car Linux veut toujours récupérer la carte son pour lui et pas lui passer un accès exclusif.. Bref, j’ai du utiliser une vraie installation de Windows pour faire mes mesures.

Bilan

Est ce que c’est mieux qu’avant ? Sur les basses, les médiums et l’égalisation (avec Sonarworks) indéniablement. Ce sont les meilleures enceintes compactes que j’ai écoutées si vous avez du plaisir à faire de l’écoute critique.

Les points noirs (chipotons):

• Sur la précision des voix et la fatigue auditive, je ne suis pas encore convaincu. Les A7X avaient un spectre plus réduit dans les graves, et une mise en avant des voix sans sibilance dans ma configuration.
• Je comprendrais qu’on veuille plus de dynamique pour une écoute récréative de salon ? Je ne sais pas si on peut faire ca sans commencer par questionner le « sweet spot » :
• Le sweet spot très petit. Je n’ai jamais eu d’enceinte aussi sensible au positionnement. L’équilibre medium/aigu diverge dès qu’on bouge de quelques centimètres. Est ce que c’est voulu pour éviter l’influence de la salle, un positionnement en moniteur de proximité non prévu, une difficulté inhérentes aux 3 voies ou une mauvaise gestion de la diffusion ? Cela la restreint énormément dans son usage mais c’était aussi quelque chose que j’avais remarque sur toutes les enceintes de monitoring dans une moindre mesure.

A 1500€ l’unité quelles étaient les autres options? Les plus proches étaient les Neumann:

• Neumann KH150 : 2 voies, tweeter à dôme, DSP intégré. J’avais un peu peur du manque de réponse dans les basses et le son fatiguant des tweeters à dôme.
• Neumann KH310 : 3 voies, tweeter à dôme, pas de DSP intégré. Avec un tel niveau de grave, sans DSP ni traitement acoustique ca me parait revenir en arrière. Et tweeter à dôme. Si Neumann avait sorti sa version réactualisée, j’aurai hésité. Mais le prix sera aussi plus élevé que celui des Adam je suppose.

Je n’ai pas écouté les Hedd ni les Eve Audio qui proposent aussi des 3 voies avec tweeter à ruban mais plus cher que Adam.

En moins cher :

• les Neumann KH80 m’ont bien plus. le petit diamètre du haut parleur (4 pouces) donne une bonne précision dans les médiums, un bon raccord avec les aigus et une localisation de la source acoustique plutôt homogène. Évidemment le problème c’est que ça ne descend pas très bas dans les graves. Mais en enceintes compactes pour un petit bureau, je prendrais ça à choisir si le prix n’est pas un soucis (450€ l’unité quand même)
• Focal Alpha Evo : Performances impressionnantes pour le prix demandé. Du 8 pouces pour 400€ l’unité ça vaut l’écoute si vous êtes prêt à des compromis en échange de basses plus nettes que sur les plus petits modèles.

En bien plus cher :

• Genelec : j’ai écouté très rapidement leur série 8341. Ça ne vaut pas le prix demandé pour moi.
• Focal : je ne suis pas fan de leur tweeter ni leur woofer, c’est propre en basse cependant..

Donc dans cette gamme de prix, je ne vois pas mieux (c’était aussi la force des A7X).

Traitement du signal pour tous ?

Je m’attends à ce que les processeurs permettant de modifier le signal (DSP) soient intégrés partout prochainement dans cette gamme de prix et en dessous (dès que vous avez un système qui descend dans les graves). L’alternative actuelle est de le faire par un boiter externe type Arc ou autre plus ou moins cher (Thomann, miniDSP, RME, Universal Audio ou Topping que je n’ai pas testées).
Aujourd’hui ça ne devrait plus coûter si cher car les amplis sont numériques et non analogiques, voir sont des enceintes avec conversion numérique->analogique intégrée (ie :bluetooth). Donc rajouter une étape de filtrage paramétrique ne devrait pas rajouter un coût énorme.
En 2025, avoir un système avec DSP pour annuler la résonance basse fréquence de la pièce (sol/plafond par exemple) me semble indispensable. Et la facilité à le faire devrait être un terrain de compétition :)

Ou écouter?

J’écoute toujours avant d’acheter surtout pour les produits comme celui ci où il y a peu d’information disponible.

Le soucis c’est souvent que les pièces d’écoutes ne sont pas idéales mais pas les pires non plus (petite salle ou hangar, pas de traitement des basses, espacement non identique entre les enceintes à comparer, placement pas à la hauteur des oreilles)

En Belgique, la gamme Adam est en écoute à Mons chez Omega

A Paris,

• dans le quartier Pigalle chez StarsMusic (et les Neumann)

• à République, chez Univers-Sons (enfin surtout Focal chez eux)